Galilée en vitesse
Laissez-moi parler de vitesse !
Ou comment les bases de la mécanique classique énoncées par Galilée sont nées d’astuces pour compenser l’inexistence de la notion de vitesse.
Dès le plus jeune âge, on nous l’enseigne : non, on ne peut pas additionner des carottes et des chocolats, ce n’est pas la même chose !
Une fois la maternelle passée, les choses se précisent. On nous apprend alors qu’on ne peut pas additionner (ou soustraire) des nombres qui n’ont pas les mêmes unités. On n’additionne pas 9 secondes avec 100 mètres. 9s + 100m = ???
Cette addition ne peut pas exister puisqu’elle n’apporte aucun sens.
Encore plus tard, on découvre que l’on ne peut toujours pas additionner des nombres d’unités différentes mais, on peut les diviser et les multiplier entre eux. Tout d’un coup, on peut faire 100 mètres / 9 secondes = 11.1 mètres par seconde. L’unité combinée des mètres sur la seconde exprime une nouvelle notion qui a un sens physique important. Ici, c’est la vitesse.
La vitesse est une grandeur qui nous parait triviale aujourd’hui. Notre compteur de vitesse automobile nous rend la tâche facile et nous savons ce que représente 100 km/h : c’est le fait qu’en 1h, nous faisons 100km si nous gardons cette vitesse pendant toute l’heure.
La réponse à la question : “C’est quaaaaaand qu’on arriiiiiive ?” est alors simple. À partir de la vitesse de déplacement et des kilomètres restants, il est aisé de répondre en utilisant la formule suivante :
Parler de vitesse sans en parler
Bien que l’on puisse constater que des objets en mouvement ne se déplacent pas à la même vitesse, cette notion est relativement récente.
Dans les années 1600, Galilée ainsi que tous les scientifiques de son époque ne pouvaient pas répondre à cette question du “quand est-ce qu’on arrive ?”. Car le concept de vitesse n’existait pas (tout comme l’accélération d’ailleurs qui était considérée comme un état transitoire à l’obtention d’un mouvement uniforme). En effet, l’état des connaissances mathématiques de l’époque était insuffisant. Selon Euclide (Grèce antique) qui a posé les concepts de mathématiques qui prévalent à cette époque, il n’est pas possible de diviser ou de multiplier des nombres d’unités différentes. On peut diviser une longueur par une longueur, un temps par un temps mais aucun mélange n’est permis.
À cette époque, Galilée étudie de nombreux phénomènes liés aux mouvements (et donc aux vitesses). Mais il ne peut pas utiliser le concept de vitesse qui repose sur la division d’une distance par un temps puisque ses connaissances en mathématiques lui interdisent cette hérésie.
La vitesse est un élément primordial dans les études qu’il conduit. Il redouble alors d’ingéniosité pour contourner le problème.
La chute des corps
Dans le cas de son étude sur la chute des corps, son raisonnement se base tout d’abord sur une observation.
Lorsqu’une sphère est lâchée à une certaine hauteur au-dessus de cire de bougie, lors de son impact, la sphère créée une déformation dans la cire. Plus la hauteur initiale est élevée, plus la déformation dans la cire sera importante.
Figure : Galilée observe que la profondeur d’impact dans la cire dépend de la hauteur de chute (et selon lui, de la vitesse)
Cette observation amène Galilée à penser que la profondeur du trou est proportionnelle à la vitesse de la balle, ce qui est un moyen détourné de quantifier la vitesse. Malheureusement, ce postulat est faux. La profondeur du trou n’est pas proportionnelle à la vitesse mais à la vitesse au carré (c’est de l’énergie cinétique, K = 1/2 x masse x vitesse au carré). Cette erreur d’interprétation n’empêchera pas Galilée, et c’est cela qui est le plus étonnant, d’en arriver à des concepts tout à fait véridiques que l’on utilise aujourd’hui.
Pour expliquer ses observations de la chute d’une sphère, Galilée s’appuie sur des démonstrations géométriques. Il trace une ligne verticale qui représente la trajectoire de la chute (en rouge sur la figure ci-dessous). Chaque point de la ligne correspond à une position de l’objet (sans considération envers la durée de la chute).
Il imagine ensuite une astuce. Il trace une ligne oblique par rapport à sa ligne verticale qui n’a aucun sens physique et dont l’angle entre les deux lignes nous importe peu. Il considère alors que les lignes horizontales qui rejoignent la ligne rouge de la trajectoire à la ligne oblique correspondent à la vitesse instantanée de l’objet quand il se trouve à la position indiquée.
De là, il tire des conclusions importantes en utilisant les lois géométriques des triangles notamment le théorème de Thalès.
Le théorème de Thalès énonce la théorie suivante : pour tout triangle, il existe l’équation des ratios de distances suivante :
En appliquant ce théorème sur le triangle fictif de Galilée représentant la vitesse en fonction de la trajectoire, on constate alors que l’on peut écrire que : “Position 2 / Position 1 = Vitesse 2 / Vitesse 1″. Cette équation dit simplement que la distance parcourue est proportionnelle à la vitesse de l’objet ; ce qui est vrai ! Alors qu’il utilise un triangle sans signification physique pour étudier ces mouvements, et que sa première observation de la profondeur d’impact dans la cire était fausse, il atteint cette conclusion importante mais pourtant simple : plus un objet va vite, plus il parcourt une grande distance et vice versa.
En poussant plus loin son raisonnement avec ces triangles fictifs et en étudiant plus particulièrement la chute de sphères sur des plans inclinés, Galilée arrive à la loi fondamentale que les distances sont proportionnelles au carré du temps
Il écrit alors l’équation (1)
Cette équation se réécrit en nos termes actuels sous la forme de l’équation (2). Cette équation est une loi fondamentale de la chute libre.
Ainsi, en ayant postulé faussement que l’énergie de l’impact était proportionnelle à la vitesse, il parvient a énoncer des lois importantes pour la chute des corps.
Galilée, tel un forgeron privé de son marteau, parvient sans l’outil indispensable que sont les mathématiques à créer des pièces maîtresses de la physique.
Voici un exemple qui montre pourquoi à un moment donné de l’histoire des sciences des chercheurs ont defini une notion nouvelle, avez vous d’autres exemples à faire partager ?
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